43) L'ironie du sort

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43) L'IRONIE DU SORT

 

 

 Le téléphone sonnait très rarement à la maison. La seule personne avec laquelle j'avais des conversations régulières, c'était cette amie de Bordeaux,qui s'était visiblement beaucoup attachée à nous.

 

En dehors de cela, j'appelais ma belle-soeur au moins une fois par semaine. Je veillais toujours à son "calendrier" de séances de chimiothérapie qui la fatiguaient beaucoup.

 

Mes enfants ne nous perdaient pas de vue, mais "fidèles à eux-mêmes" n'appelaient guère souvent.

 

Tout était plus calme à la maison... Quand soudain, le 12 Octobre 2008, la sonnerie du téléphone me surprit à une heure assez matinale.

 

J'entendis la voix de mon cousin qui me dit :

 

- "Bonjour, tu dois bien te douter que si je t'appelle ce n'est pas pour t'annoncer une bonne nouvelle ?".

 

Peu habituée à l'entendre en effet, je lui demandai ce qui se passait. J'étais vraiment aux antipodes de ce qu'il allait m'annoncer.

 

- "On a retrouvé ta belle-mère ce matin, allongée chez elle, semi-comateuse, les pompiers l'ont emmenée à l'hôpital, la situation est grave".

 

Après 19 années passées sans l'avoir vue, étant donné son rejet total vis-à-vis de moi et de mes enfants, je répondis à mon cousin :

 

- "J'arrive".

 

Il me dit, l'air abasourdi :

 

- "Tu viens ?",

 

- "Evidemment, je viens, je ne vais quand même pas t'en laisser la charge. Je sais qu'elle ne veut plus me voir, mais je ne veux pas te mettre dans l'embarras tu en as suffisamment vu toi aussi".

 

- "Je te remercie vraiment. Elle a été transférée à l'hôpital de Denain. Je t'attends là-bas".

 

Sans même demander l'avis de mon mari, je décidai donc de partir. Sans savoir ce qui m'attendait...

 

Mon mari m'accompagna, soucieux de ma réaction compte tenu de ce qu'il savait de mon passé avec cette femme.

 

Arrivée à l'hôpital, je demandai où se trouvait Mme L.

 

L'hôtesse d'accueil m'indiqua l'étage et le service. Sans me donner de numéro de chambre.

 

Troublée par l'intitulé du service, mon inquiétude s'accentua. Mais que pouvait-il donc bien être arrivé ?

 

Dans le couloir du service, je vis mon cousin et son épouse.

 

Mon cousin m'expliqua alors :

 

- "Elle est comateuse, on ne peut pas la voir, elle a dû subir une désinsectisation, elle était couverte de puces et il y en a encore. Il y a donc interdiction de l'approcher".

 

Affolée en même temps qu'abasourdie, je lui dis :

 

- "Mais qu'est-ce-que c'est que cette histoire ? Qui l'a trouvée comme ça ?".

 

- "C'est son aide-ménagère, elle a trouvé la maison volets fermés ce matin. Elle a sonné, personne n'a répondu. Elle est donc allée voir le voisin qui lui a donné mon nom et a cherché mon numéro de téléphone. Comme je suis adjoint au maire il me connaît et a cru qu'elle pouvait me joindre comme cela. Et lorsqu'elle m'a appelée, je lui ai répondu que je n'avais pas les clés de cette maison étant donné que ta belle-mère ne voulait plus voir personne. Je lui ai conseillé d'appeler les pompiers".

 

Cette histoire me paraissait bien étrange... Je continuai d'écouter mon cousin qui n'en avait pas fini de ses explications.

 

- "Quand les pompiers sont arrivés, ils sont allés voir à l'arrière de la maison, ils ont frappé au carreau. N'obtenant pas de réponse, ils ont forcé la porte et l'ont retrouvée inanimée juste à l'entrée, allongée sur le carrelage. Elle était à moitié nue, sa baignoire était remplie d'eau, elle sortait donc de son bain. Mais la maison est envahie de puces et elle en était couverte. On ne sait pas ce qui s'est passé".

 

Tout cela ressemblait à de la fiction. Evidemment, je croyais mon cousin, comment pouvait-il en être autrement puisque nous étions là, dans cet hôpital, face à une chambre interdite d'accès, dans un service dont je ne savais même pas qu'il existait ! (Un service normalement destiné à recevoir les personnes revenant de pays susceptibles de propager les maladies infectieuses).

 

Mais j'avais besoin de comprendre... "maison envahie de puces, femme couverte de puces"... Elle qui m'avait torturée pendant des années pour que la maison soit propre, qui m'avait battue si souvent pour le moindre grain de poussière, et qui n'avait jamais supporté que mon fils aîné puisse faire tomber une miette sur le sol !

 

Non, là c'en était trop... C'était le comble de la situation et toutes mes années de souffrances défilèrent en un quart de seconde dans mon esprit.

 

Ma cousine me dit alors :

 

- "Et tu verrais la maison dans quel état elle est, c'est épouvantable. On n'a même pas le droit d'entrer, les pompiers ont tout fait bloquer. Il paraîtrait qu'elle avait recueilli un chat et que c'est lui qui aurait amené les puces".

 

Ma première réaction fut de dire :

 

- "Mais cette aide-ménagère, elle venait quand ? Toutes les semaines ?".

 

- "Deux fois par semaine" me répondit ma cousine.

 

- "Et elle n'a jamais rien constaté d'anormal. Des puces ça ne prolifère pas sans qu'on s'en aperçoive. Elle n'est pas claire cette femme.".

 

Ma cousine me répondit :

 

- "C'est la question que je me suis posée. J'ai voulu l'appeler, elle me dit qu'elle ne sait pas me répondre. Qu'elle n'a pas d'explications. Elle me paraît bizarre".

 

Non, décidément, tout cela ne tenait pas la route. La seule personne qui la voyait encore - cette aide-ménagère en l'occurrence - refusait de répondre aux questions de la famille. C'était vraiment invraisemblable.

 

Nous ne sommes restés dans l'hôpital que le temps de rencontrer une autre personne : l'ex-épouse du frère de mon cousin.

Elle travaillait dans cet établissement dans le service "radiographies" et avait tenté de voir les médecins.

 

Elle nous confirma que l'on avait tenté de procéder à une radiographie pour vérifier s'il y avait cassure(s) éventuelle(s) suite à la chute, mais que cela s'était avéré impossible dans la mesure où ma belle-mère était infestée de puces.

 

Aucun autre soin ne pouvait donc être dispensé tant que le produit nécessaire à tuer ces insectes n'avait agi totalement.  Il nous fallait donc attendre.

 

-:-:-:-:-

Mon cousin nous proposa de passer chez lui, afin de prendre une collation.

C'est là que nous vîmes sa mère (la soeur de ma belle-mère). Elle habitait la ferme, située à côté de la maison de mon cousin.

 

Agée de 81 ans, elle était elle aussi totalement abasourdie par cette histoire et elle me dit :

 

- "Tu te rends compte, pour quelqu'un qui était si maniaque et qui t'en a tant fait voir, c'est vraiment le comble de l'ironie".

 

Nous étions tous sous le choc. Mais avions bien conscience quand même qu'il nous faudrait entrer dans cette maison pour prendre, au moins, les papiers nécessaires aux formalités pour l'hôpital.

 

Son admission avait eu lieu en urgence, mais aucun justificatif n'avait été produit (carte Vitale, carte d'identité, etc...).

Son sac n'avait pas été trouvé par les pompiers et l'aide-ménagère était, selon ses dires, dans l'incapacité de fournir quelque indication que ce soit.

 

Il nous restait à prendre une décision, et nous n'avions guère le choix :

 

- Faire procéder à la désinsectisation totale de la maison !

 

Avec l'aide de mon cousin, je cherchai donc une société spécialisée qui pourrait intervenir dans l'urgence.

 

Après avoir composé plusieurs numéros, j'en trouvai une qui accepta de passer le lendemain matin.

 

Le responsable m'expliqua au téléphone comment les choses allaient se dérouler :

 

- La société devait tout d'abord placer des fumigènes dans la maison. Ceux-ci dégagent un produit destiné à tuer les insectes mais empêchent l'accès à l'habitation pendant une journée (le temps que le produit fasse son effet).

 

- Pour pénétrer avant (ce qui était indispensable) il faut disposer d'un équipement spécial que fournit ladite société : une combinaison de protection, des bottes et un casque avec protection totale du visage (l'équipement de cosmonaute en quelque sorte).

 

Je pris donc le rendez-vous, en précisant bien que je n'entrerais pas seule dans la maison et qu'il leur faudrait prévoir deux équipements.

 

Je n'avais, en effet, nullement l'intention de me retrouver en "zone inconnue". Je n'étais pas entrée là depuis 19 ans, je ne connaissais rien aux habitudes de ma belle-mère. Et surtout, je ne tenais pas à ce que l'on me dise ensuite que j'avais profité de cette "intrusion" pour subtiliser un quelconque élément lui appartenant.

 

Mon cousin, directeur d'école, et ma cousine, enseignante, ne pouvaient s'absenter de leur travail, je convins donc avec ma tante que nous irions ensemble à ce rendez-vous le lendemain 13 Octobre.

 

En attendant, je rentrai chez moi avec mon mari.

 

Tous deux étions assommés par cette nouvelle, d'autant que mon cousin nous avait aussi annoncé que son père était, dans le même temps, hospitalisé à Valenciennes.

 

Cet homme de 81 ans était diabétique depuis de longues années, et une amputation d'un orteil venait d'avoir lieu.

 

"L'organisation" s'avérait difficile pour conjuguer ces deux hospitalisations et le reste.

 

De plus, j'aimais beaucoup mon oncle (par alliance, certes), mais il s'était toujours montré très affectueux vis-à-vis de moi. C'était d'ailleurs lui qui m'avait menée jusqu'à l'autel à l'église le jour de mon premier mariage.

 

Mon mari et moi habitions à près de soixante kilomètres du village de ma belle-mère et des deux lieux d'hospitalisation. Nous n'étions donc pas spécialement proches géographiquement.

 

Cependant, les faits étaient là, et je me devais d'assumer quoi qu'il en fut, ne serait-ce que pour mon cousin avec lequel je m'étais toujours bien entendue.

 

Le lendemain matin, 13 Octobre 2008, alors que nous nous apprêtions à partir pour le Valenciennois, mon cousin m'appela pour m'annoncer le décès de ma belle-mère, intervenu dans la nuit.

 

Dire que j'en fus bouleversée, n'est pas le terme qui convient, mais mon mari sentit que cela ne me laissait pas insensible.

 

Je lui dis :

 

- "Comment expliquer que je puisse encore en être affectée après tout ce qu'elle m'a fait ?".

 

Il me répondit :

 

- "Mais parce que tu as un coeur, tout simplement. Dis-toi que maintenant tout est fini. Tu n'entendras plus parler d'elle".

 

Bien sûr, mon mari avait raison. Mais je ne savais pas encore tout ce qui m'attendait...

 

-§-§-§-

 

 

 

 

 

 

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P
<br /> <br /> Je susi époustouflée par ce que tu dis, comme quoi les gens peuvent changer.<br /> <br /> <br /> Elle a du manger de la vache enragée pour finir, enfin j'attends la suite.<br /> <br /> <br /> Tu vois ma belle mère vit encore, je ne l'ai pas vue depuis 2002, je sais qu'elle est en maison de retraite, bon ses enfants s'occupent d'elle.<br /> <br /> <br /> Mais je ressentirai aussi des émotions si elle meurt avant moi, et j'irai à son enterrement. c'est comme cela, elle a compter pour mon père pendant 15 ans, cela ne s'oublie pas.<br /> <br /> <br /> Bisous à toi et bonne journée<br /> <br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> Bonjour Paquerette,<br /> <br /> <br /> Ce fut vraiment une "atrocité" car personne ne s'attendait à cela. Elle était tellement méchante qu'elle avait fait le vide autour d'elle. Même ses voisins ne la fréquentaient pas. Mais quand tu<br /> penses à ce conditionnement à la propreté qu'elle avait et qu'elle m'a infligé pendant toutes ces années... Pour finir comme cela ! C'était horrible. Heureusement que sa famille et moi étions<br /> restés solidaires, car je ne sais comment les choses se seraient passées pour elle. Personne n'a le droit de mourir dans des conditions comme cela. Mais elle a malheureusement voulu cet isolement<br /> de par son caractère ingérable et inommable.<br /> <br /> <br /> Je vais passer au chapitre suivant, car nous avions encore d'autres surprises qui nous attendaient ! Ce fut une période épouvantable !<br /> <br /> <br /> Et comme tu le dis, et comme je l'ai écrit, on a beau avoir souffert de gens comme elle, on ne reste quand même pas insensible. Moi je n'ai pas su.<br /> <br /> <br /> J'ai pensé à mon père aussi, quoi qu'il se soit passé entre-eux...<br /> <br /> <br /> Merci pour ta lecture.<br /> <br /> <br /> A bientôt et bonne soirée.<br /> <br /> <br /> Bisous,<br /> <br /> <br /> Cathy.<br /> <br /> <br /> <br />