46) La loi des séries
46) LA LOI DES SERIES
Ma belle-mère, à jamais disparue, laissera cependant dans mon esprit une trace indélébile.
Aujourd'hui encore cette épreuve d'Octobre 2008 me "hante" et si je n'avais eu de témoins à l'étrangeté de sa mort, personne, je crois, ne m'aurait crue.
Comment oublier ? Comment imaginer qu'une personne puisse être à ce point dotée d'un tel machiavélisme ? D'une telle perfidie ?
Dans le même temps, le père de mon cousin était toujours hospitalisé à Valenciennes.
Le diagnostic des médecins avait été sans appel. La moitié de la jambe était amputée.
La dernière fois que nous avons pu l'approcher, il manifestait encore de la bonne humeur, comme pour nous dire : "ne vous lamentez pas. Je supporterai cette épreuve".
Peu de temps après, il fut atteint d'une pneumonie. Nous ne pouvions plus le voir qu'à travers une paroie vitrée. Son épouse, mes cousins, mon mari et moi étions consternés et nous nous sentions véritablement impuissants face à cette maladie.
C'est la pneumonie qui l'emporta fin Novembre 2008. Il avait le visage serein... Mais il plongea la famille entière dans une tristesse absolue. Il était âgé de 81 ans.
Je n'ai pas laissé mon cousin dans sa détresse morale. Je l'ai épaulé et suis restée à ses côtés jusqu'aux obsèques, qui se déroulèrent de façon totalement différente de celles de ma belle-mère.
Cet homme, ancien fermier, né dans ce village, était connu de tous, admiré aussi pour son courage et sa bonne humeur.
Pour les jeunes, et les moins jeunes, il avait créé une association sportive : le football était sa passion, il l'avait transmise à ses fils et aux habitants du village.
C'est ainsi, qu'au funérarium, nous vîmes défiler multitude de personnes particulièrement éprouvées. Nous assurâmes, tour à tour, les "permanences" avant les funérailles, tant les visites furent nombreuses.
L'incinération (puisque tel était son souhait) eut lieu quelques jours après.
La photo déposée sur son cercueil laissa de lui l'image d'un homme bon, rieur, généreux de coeur et d'esprit... Il y eut foule et les ultimes passages devant son cercueil s'éternisèrent...
S'ensuivit un repas, dans la salle des fêtes du village, au cours duquel nous évoquâmes son souvenir, mais dans la bonne humeur et la convivialité... A son image... Comme il l'aurait voulu. Chacun l'avait compris ainsi et le respecta.
Mes cousins restèrent alors seuls avec leur mère, dont l'état de santé n'était guère brillant. Elle décida cependant de continuer d'occuper cette ferme où elle avait vécu tant d'années avec son défunt mari. Une ferme dont il ne restait plus, depuis longtemps bien sûr, que l'habitation. Les "dépendances" étaient à l'abandon. Seul un potager persistait, jouxtant la maison de mon cousin. Un potager qu'il continue encore d'entretenir.
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Ces deux deuils consécutifs m'avaient fortement épuisée nerveusement. La fin d'année approchait, les fêtes également. Mais le coeur n'y était pas bien sûr.
Mes enfants avaient suivi, de plus loin, ces deux épreuves dont ils avaient été informés par mes soins. Mais j'avais tenu à les laisser à l'écart de cela. L'aîné travaillait et le plus jeune poursuivait son cursus universitaire.
Le réveillon de Noël allait se dérouler avec eux, chez nous.
Nous avions cependant reçu une invitation de nos amis demeurant près de Bordeaux. Leur souhait était que nous passions une dizaine de jours à leur domicile, après les fêtes de Noël et jusqu'au 5 Janvier 2009. Mon mari et moi acceptâmes. Cela ne pouvait que nous faire un peu de bien.
Mais un autre évènement survint.
Le décès de mon ex-beau-père (le père de mon ex-mari) me surprit vers la mi-Décembre 2009.
Je savais qu'il avait eu quelques ennuis de santé, des chutes notamment, des fractures, un souci cardiaque aussi, mais j'ignorais que depuis quelques temps il souffrait d'un grave problème de circulation du sang.
Mon plus jeune fils m'annonça son décès et me prévint du jour des funérailles.
Ayant toujours conservé de bons contacts avec cet homme et mon ex-belle-famille, je me rendis seule aux obsèques.
Arrivée à la porte de l'église, je déposai furtivement ma plante près des autres gerbes. Je n'avais pas l'intention d'entrer immédiatement dans l'église, préférant laisser la famille se rassembler à l'intérieur, près du cercueil.
Mes ex-beaux-frères et belles-soeurs vinrent cependant vers moi, m'embrassèrent et me dirent sans s'être concertés :
- "Tu sais, saches que jusqu'à sa mort il nous a toujours parlé de toi en nous disant que jamais nous ne devions oublier tout ce que tu as fait pour Maman. Il t'en a toujours été reconnaissant. Merci d'être venue".
Ces propos, je les avais déjà entendus maintes et maintes fois... Oui, j'avais fait beaucoup pour leur mère qui était atteinte de la maladie d'Alzheimer. Jamais ils n'avaient voulu entendre ce "diagnostic potentiel" que j'avais soupçonné à l'époque. Ils m'avaient même rejetée durant un moment. Et depuis lors étaient revenus à de meilleurs sentiments...
L'essentiel pour moi était d'avoir suivi mon instinct. Celui qui m'avait guidée pour assurer le bien-être de cette femme que j'aimais profondément. Que nous avions, depuis lors, enterrée elle aussi... Son mari partait la rejoindre, presque 4 ans après.
Les funérailles terminées, mon ex-mari et son épouse vinrent me saluer. J'emmenai mon plus jeune fils en voiture vers le cimetière. Et je repris ensuite le chemin vers mon domicile.
Exténuée nerveusement, mal, mais satisfaite intérieurement d'avoir pu accompagner cet homme vers sa dernière demeure, je songeai à me reposer un peu.
La soeur de mon mari, quant à elle, luttait toujours contre ce cancer des intestins, mais la chimiothérapie semblait produire son effet. Malgré tous ces évènements, nous allions la voir régulièrement.
Peut-être allais-je enfin pouvoir songer sereinement à Noël et à ce départ chez nos amis ?
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Un matin de Décembre 2008, peu après le décès relaté ci-dessus, j'étais occupée au ménage. Mon mari était face à l'ordinateur.
Je m'approchai de lui alors que je passai la serpilière sur le sol et il me dit :
- "Je t'ai inscrite sur facebook, ton mot de passe est le suivant...".
Circonspecte et mécontente à la fois de cette initiative dont il ne m'avait pas parlé, je lui répondis :
- "Mais pourquoi as-tu fait cela ? Je ne veux pas apparaître sur ce site. Je n'y vois aucun intérêt, retire-moi de là de suite. Tu aurais pu m'en parler avant !".
Il me répondit :
- "Tu vas y retrouver d'anciennes copines et cela te changera les idées, tu verras, tu seras contente".
Le ton monta, je m'énervai, il maintint sa position - comme toujours - et ne voulut rien entendre.
S'ensuivit une dispute, et je ne parvins absolument pas à lui faire entendre raison.
Fermement décidée, néanmoins, à ne jamais consulter ce site, je finis par clore cette discussion stérile.
Mon mari se montrait depuis bien longtemps obstiné, constamment persuadé qu'il avait raison, n'écoutant que lui, et tout cela m'agaçait profondément et agissait aussi beaucoup sur mon état nerveux.
Mais j'en prenais mon parti. Même si j'en souffrais beaucoup.
Les jours passèrent, peu nombreux avant que je reçus, dans ma boîte de messagerie, un mail m'indiquant qu'un certain "Mr T." m'avait laissé un message, consultable sur le site en question.
Interloquée, je consultai ce message et je vis :
- "C'est bien toi ? Si c'est cela j'aimerais avoir des nouvelles de toi", etc...
Message, certes, laconique, mais qui me plongea dans une profonde émotion.
Mais comment donc, cet homme avait-il pu me retrouver encore une fois ?
Il s'agissait de celui qui fut mon premier amour d'adolescente. Celui qui m'avait déjà recontactée 17 ans plus tôt environ sur mon lieu de travail.
Mon mari vit, bien sûr, mon émotion et m'interrogea.
Spontanément je lui répondis que le premier à m'avoir contactée depuis le site sur lequel il m'avait inscrite était un garçon que j'avais connu en 1975.
Cela ne lui plut que très moyennement, il me demanda qui il était et j'ajoutai qu'il s'agissait de mon premier petit ami.
Le voilà qui était pris à son propre jeu, et moi plongée dans l'embarras le plus total !
Que faire ? Renoncer à lui répondre ? Ne pas céder à ce désir de rétablir moi aussi le contact ?
Cela je l'avais fait pour mon précédent mari déjà. Cette fois, sans arrière-pensée aucune, je me dis que j'avais droit à ce contact. La vie nous avait déjà deux fois séparés, le destin semblait vouloir nous réunir pour la seconde fois. Je n'écoutai que mon instinct. J'allai lire son message...
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